Alors que la Banque centrale européenne (BCE) travaille depuis plus de six ans sur son projet d’euro numérique, l’Union européenne vient seulement d’adopter une position commune. Si cette avancée marque une étape politique importante, elle intervient tardivement face à la concurrence internationale, notamment des stablecoins adossés au dollar ou du yuan numérique déjà déployé en Chine. Dans un monde monétaire en pleine mutation, l’Europe prend-elle le risque d’être reléguée au second plan ?

Une avancée institutionnelle pour un projet en gestation depuis 2017

Depuis 2017, l’idée d’un euro numérique progresse à pas comptés. Après une phase d’exploration, la BCE a lancé une enquête publique en 2021, suivie d’une phase de préparation en 2023, visant notamment à construire un cadre réglementaire solide. Cette semaine, un accord politique inédit a été trouvé entre les ministres des Finances de l’UE, qui disposent désormais d’un droit de regard formel sur le projet. Une étape clé, car c’est la première fois que les États membres affichent un engagement politique clair et coordonné.

Mais cette feuille de route européenne reste largement prévisionnelle. L’adoption du cadre législatif n’est pas attendue avant début 2026, la conception technique est estimée entre 2026 et 2028, et le lancement potentiel ne pourrait intervenir qu’en 2028 au plus tôt. Une temporalité qui interroge, surtout quand les autres puissances économiques avancent beaucoup plus vite.

Le plafond de détention, c’est-à-dire le montant maximum d’euros numériques qu’un citoyen pourra posséder, reste un point de friction majeur. Les banques traditionnelles souhaitent le limiter drastiquement, pour éviter une fuite de liquidités hors de leurs circuits. Ce débat souligne les tensions entre innovation monétaire et stabilité bancaire au sein même de l’écosystème financier européen.

Un retard stratégique face à la concurrence mondiale

Pendant que l’Europe définit encore les contours juridiques de sa monnaie numérique, les États-Unis accélèrent sur les stablecoins. Une législation récemment signée par Donald Trump offre un cadre légal favorable aux émetteurs privés de stablecoins adossés au dollar, ouvrant la voie à une adoption massive sur les marchés. Ces instruments présentent l’avantage d’être flexibles, rapidement déployables et déjà fonctionnels dans plusieurs écosystèmes DeFi.

La Chine, quant à elle, a pris une longueur d’avance décisive avec son yuan numérique, actuellement en phase de test grandeur nature dans plusieurs provinces. Pékin mise sur cette innovation pour renforcer sa souveraineté monétaire, tout en préparant le terrain à une internationalisation de sa monnaie, notamment dans les échanges commerciaux avec les pays des BRICS ou de l’ASEAN.

Dans ce contexte, l’Europe semble en quête de son identité monétaire numérique, mais ralentit par sa structure institutionnelle complexe. Faute d’alternative rapide et crédible, le risque est de voir les citoyens et entreprises européennes se tourner vers des stablecoins privés pour leurs transactions numériques, au détriment de la souveraineté monétaire du Vieux Continent. Un enjeu majeur qui dépasse la simple question technologique.

Conclusion:

Le projet d’euro numérique entre enfin dans une phase politique concrète, mais son calendrier reste trop lent face aux mutations rapides du paysage monétaire mondial. L’Europe, soucieuse d’éviter les erreurs, pourrait bien en payer le prix par un affaiblissement de sa souveraineté financière.

La question désormais est claire : l’euro numérique arrivera-t-il à temps pour rester pertinent dans un monde dominé par les stablecoins et les CBDC étrangères ? Ou est-il déjà trop tard pour combler le retard ?

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